Article paru sur jeuneafrique.com (le premier site d’information et d’actualité sur l’Afrique).
Depuis plus de quatre ans, le pays traverse une grave crise politique, économique et sociale… Chronique d’un naufrage qui ne semble pas près de s’arrêter.
Désastre politique et diplomatique
Désastre politique: alors que la transition ne devait pas durer plus de quelques mois (promesse de Rajoelina), elle a entamé, le 17 mars, sa cinquième année, et semble ne jamais devoir en finir, à cause d’une classe politique plus divisée que jamais, comme en témoigne le nombre de candidatures à la présidentielle (41) et l’incapacité de ses deux figures principales, Rajoelina et Ravalomanana, à dépasser leur haine réciproque.
Ainsi la date de l’élection, le 8 mai, repoussée au 24 juillet, a-t-elle encore été reculée, en raison du blocage consécutif aux candidatures controversées de Rajoelina, de Lalao Ravalomanana, l’épouse du chef de l’État déchu, et de l’ancien président Didier Ratsiraka. Désastre diplomatique aussi : boudé par les bailleurs de fonds et exclu des principales organisations internationales, le régime de transition n’a jamais réussi à briser son isolement.
Désastre économique et social, enfin. Les données fournies par la Banque mondiale font froid dans le dos. Plus de 92 % de la population (estimée à 21 millions d’habitants) vit avec moins de 2 dollars par jour, soit 10 points de plus qu’en 2008. La crise a entraîné la perte de 6,3 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros) et de dizaines de milliers d’emplois, si bien qu’en 2013, le revenu par habitant est retombé au niveau de celui de 2001…
République confisquée
Dans les « bas quartiers » – la banlieue pauvre de Tana -, situés bien souvent dans des zones inondables, la misère est structurelle. Mais, à en croire les habitants, elle empire. « Ici, peut-être 85 % des gens sont au chômage. Ils ne mangent qu’une fois par jour, et rares sont les enfants qui vont à l’école car la scolarité est trop chère, déplore Haza Ramafatraona, président d’une fédération qui regroupe 44 associations des bas quartiers.
«Ce n’est pas seulement la révolution de 2009 qui a été confisquée, mais toute la république », regrette un juriste qui, parce qu’il travaille avec l’administration, souhaite rester anonyme. « Sous Ravalomanana, poursuit-il, l’État était déficient. Aujourd’hui, il est défaillant. Personne ne respecte plus la loi.»
En quatre ans, l’insécurité est devenue la première préoccupation des Malgaches. À Tana, pas un jour ne passe sans qu’une attaque à main armée (souvent des kalachnikovs louées par des agents des forces de l’ordre) n’ait lieu. « Franchement, je ne me suis jamais senti autant menacé. On a peur, désormais. Peur de sortir en 4×4, de porter un costard-cravate, de montrer qu’on n’est pas dans le besoin », témoigne un homme d’affaires qui ne se déplace plus sans son revolver depuis qu’il a été attaqué à son domicile, il y a quelques mois. « La situation est très tendue, admet le général Richard Ravalomanana. On craint une forte explosion sociale.»
Le 13 juin, dans la rubrique des faits divers du quotidien L’Express de Madagascar, on pouvait lire comment des hommes armés de kalachnikovs avaient attaqué un débit de boisson pour un butin de 1,4 million d’ariarys (moins de 500 euros), dans quelles conditions six voleurs de zébus avaient été abattus par des villageois dans le Sud, et de quelle manière la police avait mis la main sur 36 tortues braconnées et destinées à l’exportation.
Les trafics juteux ont explosé : les tortues donc, mais aussi le bois de rose (des milliers de rondins coupés dans le Nord-Est et exportés vers la Chine en dépit des interdictions), l’or( des tonnes évacuées hors du pays en infraction avec la loi), les zébus (des dizaines de milliers de têtes volées dans le Sud), les pierres précieuses ou encore l’ilménite (employé dans la fabrication de pigments blancs). Même la terre, si sacrée dans ce pays, fait l’objet de transactions illégales chiffrées à plusieurs millions d’euros.
« La corruption est partout », se désole un collaborateur de Rajoelina, comme pour absoudre son patron (lire l’encadré p. 29). Elle commence au bas de l’échelle, au niveau des gendarmes et des petits fonctionnaires, se poursuit au sein de la magistrature où, selon le Premier ministre, Omer Beriziky, elle « est devenue une raison d’être » ; et frappe jusqu’à la tête de l’État.
Les rumeurs visant des proches de Rajoelina sont persistantes. Et lorsqu’elles sont relayées par un patron d’entreprise réputé intègre, un ambassadeur particulièrement bien informé, un officier placé au coeur du système, il est difficile de les ignorer. « Nous sommes dans un réseau mafieux, où certains businessmen profitent de leur proximité avec le pouvoir pour s’enrichir », peste l’un d’eux.
Entre 2008 et 2012, le pays a dégringolé de la 85e à la 118e place du classement de l’ONG Transparency International selon l’indice de perception de la corruption. Dans les locaux du Bureau indépendant anticorruption (Bianco), on ne peut que déplorer cette évolution. Alors que tous les indicateurs montrent que ce fléau gagne du terrain, le budget de l’institution, lui, ne cesse de baisser.
Voteront, voteront pas
En avril, tout semblait aller comme sur des roulettes. Après plus de trois ans de négociations laborieuses, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, en exil en Afrique du Sud, s’étaient engagés à ne pas participer à l’élection présidentielle censée mettre fin à la transition.
Et puis, patatras ! Ravalomanana a fait de son épouse, Lalao, sa candidate. Didier Ratsiraka, l’ancien chef de l’État tout juste rentré d’exil, et que l’on croyait rangé des affaires, s’est lui aussi porté candidat. Andry Rajoelina, enfin, a décidé à son tour de se soumettre au suffrage des Malgaches, alors qu’il leur avait solennellement affirmé en janvier qu’il ne le ferait pas. Depuis, c’est l’impasse.
La plupart des autres concurrents (41 en tout) s’opposent à ces trois candidatures – certains en appellent à l’armée -, tout comme la communauté internationale, qui menace les protagonistes de sanctions et a d’ores et déjà prévenu qu’une élection avec ces personnalités ne serait pas reconnue. L’équation semble insoluble. Soit les Malgaches organisent la présidentielle sans le soutien financier et technique de la communauté internationale, au risque de voir les résultats non reconnus et contestés. Soit ils se plient aux injonctions de l’étranger. Mais aucun des trois candidats ne semble prêt à faire ce sacrifice. En attendant, l’élection, déjà repoussée une première fois (du 8 mai au 24 juillet), a été une nouvelle fois décalée.…
Journal Tana news, Madagascar juillet 2013
Le FAO prédit pour Madagascar, l’une de ses plus rudes périodes de soudure prochainement. L’invasion de crickets exceptionnelle a été une calamité de plus, après les vols de zébus dans le sud et la sécheresse.
La prévision des pertes en récolte de riz est de 480 000 à 600 000 tonnes cette année.
L’année dernière le manque à récolter était de 200 000 tonnes. Soit une douzaine de cargos de riz achetés pour éviter la famine et surtout l’inflation. Il faudra importer le double au moins cette année. Structure des âges à Madagascar.
Statistique (source CIA)
- 02 M d’habitants en 1900
- 23 M d’habitants en 201
- 50% de la population à moins de 19 ans.
- 05 % de la population arrivent à l’âge de la retraite (environ 60 ans).
Ages | 0 – 14 ans | 15-24 ans | 25-54 ans | 55-64 ans | 65 ans et + |
Pourcentages | 41 % | 20,6 % | 31 % | 4,1 % | 3,1 % |