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Un conteneur, c’est du sang, de la sueur, des larmes

Par Floréal Gracia

« Bon, j’exagère un peu, mais à peine. »

– Du sang ? Qui s’est coincé les doigts sous un énorme carton, sous des carrelages ou sous les colis divers qu’on envoie chaque année connaît le risque.

– De la sueur ? Demandez aux quelques malheureux qui passent 4 heures dans un conteneur en plein soleil, et qui doivent entasser avant midi plus de 1 500 colis, des vélos, du mobilier, des tonnes de riz, des centaines de kilos de matériel scolaire, des conserves, des … En plus, c’est presque toujours les mêmes qui s’y collent, dans le sauna – 1 kg en moins assuré – En essayant de « quicher » au maximum, sans « écrabouiller » les choses fragiles…Et c’est haut un conteneur, et c’est vaste. Près de 70 m3 !

– Des larmes ? Quand les portes du conteneur se referment, chacun ayant donné son idée pour ajouter la dernière couverture ou le dernier cartable, dans la satisfaction du challenge annuel réussi, on peut voir l’émotion de l’assistance à la pensée du long voyage de cette grosse boîte que des centaines d’enfants et d’adultes attendent si fort. Arrivera-t- elle sans problème ?
Pourtant le gros du travail a été fait des mois avant.

Si vous êtes passés par Boisseron cet été, vous avez pu voir des cartons, des sacs entassés devant un local qui tient de la caverne d’Ali Baba, (du pauvre) et de la brocante. A l’intérieur, bien au frais, à l’abri de la canicule, (Il n’y a pas de fenêtre) quelques membres de TDE s’activent depuis le printemps.
La présidente est là, avec Monique Bouffard – elles sont toujours là – avec quelques habituées qui fuient le soleil et les foules de la plage. Elles ont passé des journées dans cette espèce de long couloir sombre à trier des vêtements, des outils, du matériel médical, les cartons de matériel collectif que les groupes collectent et amènent à l’avance. (Les qualités des femmes dans la gestion de la fripe et dans le rangement sont bien connues.)

Mais quand les cartons commencent à s’entasser anarchiquement et qu’il faut mettre de l’ordre, on appelle aussi des hommes forts pour bouger des palettes, ranger en hauteur, faire de la place, jeter… Et on continue : du matin au soir, 2 ou 3 fois par semaine, pendant plusieurs mois.
Elles s’arrêtent pour manger, tout de même, les femmes ! Elles ont même sur place un réchaud, un coin de table de camping qui sert de bureau et un bidon d’eau potable, à défaut d’avoir un lavabo. Une cuvette pour se laver les mains, comme en Afrique. C’est exotique. De toute façon, on se ressalit vite, à remuer des palettes et des cartons. Et on arrête tôt, puisqu’il n’y a pas d’électricité. Au fond du local, il faut parfois circuler à la torche électrique, à la frontale, comme dans une grotte, dans un labyrinthe.

Puis la dernière semaine, les parrains apportent LE COLIS POUR LEUR FILLEUL.

500 cartons arrivent en deux après-midi ! Est-ce que tout va rentrer ? Une fourmilière s’agite, la tension monte, la fatigue se fait sentir : Est-ce qu’on n’a rien oublié ? Le camion sera-t-il à l’heure ? Si tout ne part pas, quelles seront les priorités ? [C’est toujours d’abord la nourriture et les colis des filleuls].
Il faut savoir aussi que tout colis, matériel, objet envoyé est étiqueté, numéroté, enregistré sur un carnet repris ensuite sur ordinateur. Ce qui permet les déclarations en douane, la répartition et le contrôle plus facile à l’arrivée à Madagascar, puis dans les centres.
A Boisseron, pas de chariot élévateur pour charger le conteneur. Que des gros bras, et des nombreux petits bras. Mais quelle joie de participer à ce travail de fourmi, (fourmi costaud de préférence) de faire la chaine pour remplir le monstre!
Bon, il y en a qui discutent, qui rient, qui commandent, qui conseillent… C’est aussi un moment de rencontre, une fête, une foire, un déménagement qui s’organise étrangement pour le profane.
Et là-bas, à Tamatave, le processus inverse va se produire. Une foule d’abord silencieuse, concentrée, puis grouillante et joyeuse, employés, enseignants, grands filleuls mobilisés, responsables des centres listes à la main vont assaillir le conteneur, et trier cette montagne de caisses.

En quelques heures, tout sera vérifié et disparaitra dans les réserves, par une noria de 4 L et de 404 Peugeot au fonctionnement miraculeux. Toujours dans la joie, sous le soleil qui se mêle souvent à des averses subites et brutales.
Si vous avez la possibilité de venir au chargement du conteneur annuel, vous verrez un moment fort de l’association. Mais si vous avez en plus la chance d’être présent à l’arrivée du monstre d’acier à Tamatave, vous verrez l’attente et l’émotion qu’il suscite chez les enfants et les adultes. Au-delà de l’utilité, de la nécessité de tout le matériel envoyé, il y a aussi le lien fort que les colis tissent entre nous et les enfants ou les employés de TDE. Les yeux s’illuminent, les voix s’arrêtent. Le monde disparaît quand on fouille dans son carton personnel… Instants inoubliables…

Même si la situation politique est trouble en ce moment, n’hésitez pas à aller à Madagascar pour l’arrivée du conteneur. Des responsables Gardois sont presque toujours présents. Ce sera pour début décembre, il fera assez chaud, mais vous échapperez au moins aux cyclones.