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Discours inaugural d’Eliane Carrière

Inauguration de la Maison de Pierre

Au mois de Juin 1984, c’était donc il y a 28 ans, lors de mon 1er voyage sur la terre malagasy, je découvrais l’Ile Rouge avec émerveillement et effroi. Emerveillement devant l’extrême gentillesse de ses habitants, et devant la beauté du pays mais effroi face à la détresse de milliers d’enfants démunis. Ce fut aussi le temps de ma première rencontre avec Madame Odette, mon amie, ma sœur, dont la bonté, la sagesse, le dévouement, ne firent jamais défaut à Terre des Enfants.

Juillet 1984.
Retour en France un mois plus tard avec des projets plein la tête et plein le cœur à présenter au Conseil d’Administration de l’association Terre des Enfants. L’ONG Terre des Enfants s’était constituée, 10 ans auparavant,( en 1974) devant l’évidence que des millions d’enfants continuent à souffrir de faim, de froid, de maladies non soignées, ou d’abandon, en dépit de l’existence de nombreux organismes charitables ou d’entraide officiels ou privés, nationaux ou internationaux, laïcs ou religieux, et estimant qu’une société humaine planétaire qui n’est pas groupée autour du plus faible et du plus malheureux est une société indigne.

« Terre des Enfants, au secours immédiat et direct de l’enfance en détresse », c’est un simple travail de vivant à vivant, sans considération d’ordre politique, philosophique, ethnique ou religieux, c’est un regroupement de bénévoles, qui, par leur action et leur travail, réalisent en partie leur rêve de justice et de fraternité universelle.

L’ONG Terre des Enfants est un dispositif humain, une charpente vivante, concrète, précise, efficace : le nombre des enfants sauvés, totalement, largement, ou partiellement, est considérable mais qu’ils soient des milliers, ce n’est pas l’essentiel, ce n’est pas d’abord ce qu’il faut considérer… l’essentiel c’est toujours un petit qui est en lui même Univers et Eternité, un enfant, l’Enfant Innombrable, chacun multiplié par des milliers.
A cet enfant, à ces milliers d’enfants, nous voulons apporter aide et amour sans esprit de bienfaisance ou de pitié ou de bonnes œuvres, mais en seule justice.

A Terre des Enfants, nous avons mal aux autres, vêtu des autres, enveloppés, portés par chaque détresse, jusqu’à ce que celle-ci soit débusquée, et ceci jusqu’à l’obsession.
Dans notre monde d’injustice, dans les pays où nous agissons (Burkina Faso, Colombie, France, Haïti, Inde, Liban, Madagascar, Togo) les enfants ne nous connaissent pas, ils ne tendent donc pas les bras vers nous, c’est nous qui tendons les mains vers eux pour leur rendre ce qui leur est dû : nourriture, soins, éducation et abri pour les orphelins.

Mais où trouver l’argent pour tenir nos engagements envers les enfants ? Le financement global de notre budget est exclusivement dû au public; aussi, puissent nos donateurs (sous toutes les formes) qui ne sont pas nommés ici parce qu’ils sont des centaines, être conscients de notre gratitude profonde. Le montant des frais généraux de notre association, en France, est exemplaire de par sa modestie car nous sommes tous bénévoles : nous avons les mains pleines de la vie des enfants, et les mains vides de toute rémunération financière, c’est l’une de nos fiertés.

Mai 2012 : quarante années se sont écoulées.

Les enfants dans le besoin sont toujours là : ce ne sont pas les mêmes enfants mais ce sont toujours les mêmes souffrances, et Terre des Enfants chemine fidèlement auprès d’eux.
L’association a grandi, mais son extension n’a altéré ni son style : simplicité, ferveur des bénévoles, frais généraux et administratifs extrêmement modérés, financement des voyages assumé par chaque voyageur… ni ses buts : nourrir, soigner, éduquer, consoler, donner un avenir aussi convenable que possible à chaque enfant pris en charge, en particulier par le moyen d’un parrainage.
Cette présentation succincte de Terre des enfants serait amputée si je ne signalais notre branche ‘Adoption internationale ‘ Accueil aux enfants du Monde’. L’adoption est la solution totale, absolue, de la souffrance des enfants orphelins ou abandonnés. Elle ne consiste pas à donner des enfants à des couples qui n’en n’ont pas mais à fournir aux enfants sans familles les bras et l’amour qui les appellent et qui les attendent. Comparée à ce que sont des parents, aucune institution ne vaut si excellente soit elle. L’adoption restitue à l’enfant sans famille la vraie vie, la vie qui marche en avant dans la sécurité et la tendresse.

Je conclurais par ces mots inspirés d’un texte du poète Michel Quoist :

Si la note de musique disait : ce n’est pas une petite note comme moi qui fait la musique, alors il n’y aurait pas de symphonies…
Si la feuille disait : ce n’est pas une petite feuille comme moi qui fait l’arbre, alors il n’y aurait pas de forêts…
Si le mot disait : ce n’est pas un petit mot comme moi qui fait la phrase, alors il n’y aurait pas de livres…
Si le grain de riz disait : ce n’est pas un grain de riz comme moi qui commence un champ, alors il n’y aurait pas de moisson…
Si l’homme disait : ce n’est pas un simple petit geste de solidarité qui peut sauver tous les enfants, alors il n’y aurait plus de justice, plus d’humanité, plus d’amour…

Et si la pierre disait : ce n’est pas une simple pierre comme moi qui fait la muraille, alors il n’y aurait pas la Maison de Pierre…

En cette heure magnifique où nous inaugurons cette Maison de Pierre qui nous est si chère, il me souvient que, au début, était le rêve, puis il y eut l’action, et aujourd’hui, la réalisation…

En cet instant solennel au nom du Conseil d’administration de Terre des Enfants, je concentrerais toute notre affection et tous nos remerciements et je leur donnerais des ailes pour qu’ils s’envolent vers notre ami Pierre :

MERCI PIERRE !

« Un beau jour, Terre des Enfants, tu commences et tu n’en finis pas…étoile filante toujours lumineuse et vivante dans la nuit des enfants pour les amener vers la clarté du jour, et vers l’espoir d’une vie meilleure »