Nous savons que les événements au Mali ne troublent pas nos activités à Nouna, mais le docteur Flaissier et sa femme ont dû renoncer à leur séjour, prévu fin janvier, car la sécurité n’est pas totale en ce moment pour les blancs.
Depuis avril 2012 et l’invasion par AQMI « On ne sait pas qui est rentré, et avec quoi », dit Georges; les frontières ont été bouclées à la suite de l’intervention des troupes françaises, mais c’était un peu tard, et quelque peu illusoire. Ces infiltrations engendrent des «coupeurs de route» et des risques d’enlèvements d’étrangers.
Georges, notre responsable à Nouna, a subi un grave accident de la circulation : jambe brisée, 2 opérations à Ouahigouya puis à Ouagadougou, accompagnées de beaucoup de souffrances. Mais il a reçu beaucoup de soutiens de la population et des autorités qui le respectent beaucoup. « Terre des Enfants » a fait l’avance de ses soins en attendant le remboursement par l’assurance (dans 1 à 2 ans).
Cela ne l’a pas empêché de continuer à impulser le travail des moniteurs et élèves, suivre les cas particuliers des enfants, donner des nouvelles par téléphone, mais nous ne pouvons pas recevoir de rapports écrits (pas d’internet à Nouna, il se rendait au cyber de le ville voisine).
Notre formation agricole a enfin commencé depuis la rentrée de janvier. Les « apprenants », 20 garçons et filles ont été recrutés après un test de niveau scolaire (minimum CM2). Ils se montrent très motivés ainsi que leurs parents, après des réunions de sensibilisation: ce type de formation s’adresse à des élèves ayant un niveau scolaire, est tournée vers la pratique et orientée vers un véritable métier. Mais, si elle correspond aux besoins de formation de paysans qualifiés, elle tourne le dos à ce qui existe, des collèges d’où sortent des élèves diplômés mais pas des agriculteurs ! Or l’illusion du diplôme, du concours, tente tout burkinabè, beaucoup plus que la condition de paysan… et il faut beaucoup sensibiliser, comme l’ont fait Georges et Didier le moniteur.
La construction de la classe et le dortoir en « voûte nubienne » ont pris du retard ; les nouveaux pensionnaires ont dû se serrer avec les élèves du Foyer, mais ils ont pu participer à cette construction, ce qui a débuté leur formation. Elle est moins onéreuse que les constructions habituelles couvertes de tôles car la voûte nubienne consiste justement en une toiture entièrement moulée en terre : briques de banco et terre de termitière. Elle est aussi naturellement climatisée, facilement réparable et reproductible par un artisan local. On m‘a dit « c’est moins solide sous la pluie »…. Mais après l’envol de la toiture du bâtiment dortoir de filles et classe d’éveil sous une bourrasque en juillet dernier, on peut en douter…
Il a fallu acheter et fabriquer du mobilier, et nous en avons profité pour acquérir des tables et chaises plurivalentes plutôt que des tables- bancs. Avant de s’attaquer à l’exploitation des champs, les élèves ont creusé des fosses fumières, et construit des installations pour les élevages : poulailler, bergerie. Nos ânesses devront aussi faire des petits pour tous les élèves sortants, et il faut les mettre au travail ; mais convaincre Didier des intérêts de la traction asine (pourtant encouragée par des ONG comme Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières) n’a pas été facile, tant il est imprégné d’un modèle productiviste (traction bovine ou mécanique…inaccessibles).
Sita, notre monitrice d’alphabétisation a eu une seconde session de formation à Fada n’Gourma. Les élèves n’ont pas perdu leur temps: réalisant leur projet, ils ont cultivé des planches de légumes dans le périmètre maraîcher, arrosé à l’arrosoir avec l’eau du forage (pas assez profond pour fonctionner avec le château d’eau, mais bien chargé en eau par la dernière grosse saison des pluies). Par principe, une partie leur revient, l’autre est pour la structure EDEN (petite compensation de l’enseignement gratuit).
Ils ont aussi commencé à confectionner des coussins en sachets plastique récupérés : Ce petit projet monté avec la mairie de Boisseron vise à proposer au public un lot de coussins en location pour rendre plus confortables les gradins de la carrière, récemment aménagée en lieu de spectacle. Notre idée a été de les faire avec ce matériau gratuit, mais surtout lié à la prise de conscience de l’environnement. Georges en a profité pour sensibiliser les enfants des écoles au ramassage, qui a bien nettoyé le village, et a été récompensé par de petits cadeaux. Nous avions fait un prototype avec Michèle Faugé, qui avait enseigné l’art du crochet, et d’après les photos, les élèves d’alphabétisation ont bien appliqué ce savoir, fort stimulant pour eux, avec le petit profit qu’ils pourront en tirer. Un premier pas vers des activités rémunératrices. Qui sait si nous ne pourrons pas avoir d’autres marchés, lorsque nous aurons les premiers coussins en mains ?
Au Foyer les échanges de cauris: travail contre biens (frais scolaires, tee shirts, stylos…) sont bien instaurés et stimulent la participation de tous à l’organisation de la vie quotidienne. Tous les adultes observent et nous espérons pouvoir généraliser ce système rapidement aux apprentis agricoles, mais aussi aux parents d’élèves de la classe d’éveil.
Malgré les coups du sort, tout continue de fonctionner à Nouna, c’est rassurant.