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Parrainage espérances et réalités

Il faut se rappeler qu’on parraine un enfant dans l’espoir d’améliorer sa vie sans se faire d’illusions sur le résultat.

Comme pour nos enfants ici en France, on veut faire le maximum mais rien n’est garanti à l’avance. Grâce à l’organisation de l’ONG sur place qui contrôle et gère la scolarisation avec une grande exigence d’efforts, la plupart de nos filleuls font des progrès remarquables.

Une quinzaine de jeunes viennent de réussir le BAC cette année, et vont certainement commencer des études supérieures, comme plusieurs dizaines d’étudiants que nous parrainons. Nous pouvons légitimement être heureux quand des diplômés s’engagent dans la vie active. Cette année a vu la réussite de plusieurs médecins, dentistes, ingénieurs en génie civil ou électrique, techniciens qualifiés, d’autres Jeunes filles devenant sages-femmes, infirmières ou assistantes sociales. Nombreux sont ceux qui sont moins motivés par des études longues et qui feront des bons ouvriers ou techniciens à l’issue d’une formation courte.

Mais certains s’arrêtent en cours de route pour un tas de raison. Comment travailler correctement quand on a le ventre vide, qu’on ne sait pas si on mangera demain, qu’on a une crise de paludisme chaque mois, qu’on vit à 8 ou 10 dans 2 ou 3 petites pièces où il pleut au travers des palmes du toit ou des tôles rouillées… La peste sévit fortement à nouveau partout depuis novembre, même si les médias ne parlent que des troubles engendrés par les élections présidentielles. La mort et la maladie font partie du quotidien des familles que nous aidons.

Les étudiants racontent comment ils travaillent dans un coin à la lampe à huile ou à la bougie, quand les coupures d’électricité sont quotidiennes et durent de longues heures. … On doit choisir parfois entre manger ou passer une heure au cybercafé pour étudier.

Quel exemple a-t-on quand la plupart des membres de la famille sont quasi analphabètes ? On considère souvent que le niveau certificat d’étude doit permettre largement de se débrouiller dans la vie, et surtout qu’il est temps à 14 ans de gagner sa vie.

Ceci pour dire qu’il est « normal », sinon courant de ne pas recevoir souvent des nouvelles ou des remerciements, les familles ayant 

d’autres préoccupations vitales. Un stylo et quelques feuilles coutent une journée de travail. Idem pour un timbre.

Claudine, responsable des parrainages insiste pour que d’une façon ou d’une autre on remercie pour tout colis ou envoi. Encore faut-il qu’elle le sache. Elle fait parfois elle-même le modèle, donne stylo et papier, fait parvenir les lettres par des voyageurs, scanne les notes, qui sont ensuite adressées aux responsables français. Tout cela prend du temps… (Nous avons plus de 500 parrainés de tous âges… et pour rappel, en France tout le monde est bénévole…)

Deux responsables de TDE viennent de rentrer de mission à Tamatave. Ils ramènent un lot de courrier comme 2 ou 3 fois par an. Des nouvelles, des petits cadeaux…Les lettres sont parfois très vagues et confuses, car le Français est aléatoire, même si on est au lycée ; d’autres lettres sont émouvantes. Des parrains sont heureux d’avoir des nouvelles, d’autres sont déçus par le devenir de leurs filleuls.

Sur place, on surveille, on encourage, on gronde, on sévit, on aide. Chaque année, des parrainages sont arrêtés d’autorité, car inutiles. Chaque situation est particulière. Les décisions doivent être pesées au travers des réalités de la culture locale.

Il faut garder en tête qu’on a donné ou proposé des outils à des jeunes pour qu’ils affrontent la vie. C’est à eux de voler de leurs propres ailes. Chacun aura fait ce qu’il aura pensé faire pour le mieux. Quel que soit le niveau de notre engagement à TDE, soyons fiers de ce qui a été réalisé.

Floréal GRACIA le 30/11/2018